Fleurs du Japon

«L'univers artistique du XXᵉ siècle occidental est un univers asexué, au sens propre du terme. On ne peut pas appeler sexué un art qui se contente d'hypertrophier des formes plantureuses ou de les atrophier par castration de tout genre, à commencer par l'épilation. Si l'homme ne se réduit pas à un sexe, il n'en reste pas moins vrai qu'il est un produit du sexe et qu'il n'atteint sa stature d'homme qu'en assumant sa sexualité. Cette évidence psychanalytique n'est évidente qu'en laboratoire: la civilisation occidentale se charge de la confiner à ce stade, par pudibonderie, par tradition chrétienne, mais surtout par peur. L'univers technique rationnel a peur du sexe irrationnel. Il préfère lui substituer un érotisme sagement sirupeux dont la «pin-up-pour-page-de-couverture» est le symbole.
On est alors conduit à se poser des questions non seulement sur l'utilité des recherches sexologiques mais encore sur leur raison d'être, si elles doivent être le fait de petites castes d'initiés. Le rôle de l'art contemporain - si timoré en ce domaine - ne serait-il pas alors d'être la catharsis de la raison et de la passion? Comment se fait-il que le sexe, dont personne actuellement ne met en doute le rôle primordial, n'ait constitué le sujet d'inspiration déclarée d'artistes contemporains? Comment se fait-il que les créations artistiques de cet ordre restent le domaine priviligié de petits cercles d'intimes?
Cette attitude signifierait-elle que les artistes d'aujourd'hui acceptent et entérinent non seulement la notion du «sexe-tabou» mais encore celle du «sexe-péché»? Enfin, si ce siècle est celui de la libéralisation dans tous les domaines, comme il ne cesse de s'en targuer, comment se fait-il qu'aucune exposition des creations artistiques inspirées par la sexualité à travers les âges n'ait été encore réalisée?[...]»